À un moment où l’approche communicative semble peu à peu céder le pas à la perspective actionnelle promue par le Conseil de l’Europe, il est intéressant de constater que la place consacrée au jeu dans le Cadre européen commun de référence reste très marginale (1). Ainsi, l’incontestable intérêt que suscite le jeu depuis une trentaine d’années reste toujours difficile à transposer de manière concrète par les enseignants, car la notion de jeu est écartelée entre un très faible étayage théorique et un éclatement des pratiques. Cela contribue à alimenter les doutes sur la légitimité et sur l’efficacité de l’outil ludique en classe de FLE, surtout auprès d’un public adolescent et adulte.
Puisque le jeu est un outil problématique et rarement problématisé, comment répondre à la question "Le jeu peut-il constituer un outil pédagogique à part entière pour la classe de FLE ?".
À mon sens, on peut y répondre "oui, sous certaines conditions".
- La première condition consiste à aborder le jeu de manière rigoureuse, car à l’instar de tout autre outil son efficacité tient moins à ses qualités intrinsèques qu’à l’usage que l’on en fait. Il existe sur le marché de nombreux recueils de jeux pédagogiques, certains d’entre eux axés sur le FLE (2) ; il existe également des centaines d’ouvrages touchant de près ou de loin au jeu pédagogique. Cependant, on peut regretter qu’au delà des "recettes" parfois difficiles à appliquer, très peu de ces livres abordent de manière claire et accessible les critères de base pour une utilisation adéquate du jeu en classe de FLE.
- La deuxième condition consiste sans doute à établir un lien adéquat entre les trois niveaux du fait didactique : hypothèses théoriques relatives autant au jeu qu’à l’enseignement/apprentissage des langues, outils pédagogiques et pratiques réelles de classe, car c’est de l’incohérence entre ces différents niveaux que naissent en général les difficultés d’exploitation pédagogique du jeu.
- Finalement, la troisième condition consiste à ne pas chercher dans le jeu un outil miraculeux, mais à y voir simplement – et c’est déjà largement suffisant – l’occasion d’enrichir sa boîte à outils.
Pour tirer le plus grand profit des nombreux avantages du jeu sans tomber dans le piège de ses possibles inconvénients, il importe de mieux le connaître pour mieux l’utiliser. Sans prétendre nullement épuiser un sujet extrêmement vaste, je souhaiterais fournir aux enseignants désireux d’intégrer une fois pour toutes le jeu dans leur sac à malices quelques éléments théoriques de réflexion, illustrés par des exemples pratiques.
Pour ce faire, je proposerai ici un parcours en trois temps : je brosserai d’abord un rapide tableau historique de l’évolution des notions de jeu, pour ensuite tenter de démêler quelque peu le réseau apparemment inextricable de significations contradictoires attribuées au jeu, pour aborder finalement de manière plus concrète les différents niveaux de référence sémantique du jeu en classe de FLE.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire